samedi 23 août 2008

Laiterie Soumam : l'adaptation au jeu de la concurrence


Publié le 28/07/2008


Bâtie non loin de la zone industrielle de Taharacht, à Akbou (Bejaia), l’usine de cette entreprise s’étend sur une superficie de 04,6 ha, dont 02 bâtis. Elle compte 12 lignes de production composées d’équipements de technologie très récente. La laiterie Soummam possède uneinfrastructure de stockage sous froid de 20 000 mètres cube répartie en un dépôt central
et quatre dépôts régionaux détenus en noms propres. Une flotte de plus de 400 camions, un réseau de 50 distributeurs agréés répartis à travers le territoire national et un réseau de plus de 200 grossistes et distributeurs indépendants. En 1993, il y a eu la création de la société avec l’implantation des machines dans la maison familiale. En 1996, c’est l’acquisition de deux autres
lignes. En 2000, suivra l’acquisition d’un terrain dans la banlieue d’Akbou et la construction d’une nouvelle usine dénommée Soummam 1, puis l’investissement dans trois lignes neuves. En 2002, un nouveau terrain mitoyen à l’usine a été acquis pour la construction d’un nouveau bâtiment (Soummam 2). Un investissement dans 06 nouvelles lignes de production a étéconsenti à cet effet. En 2005, l’entreprise procède à l’acquisition d’un nouveau terrain et entreprend la construction d’un troisième bâtiment (Soummam 3) avec un investissement progressif dans 03 nouvelles lignes de production. Aujourd’hui, le projet Soummam 04 avec de nouvelles lignes et de nouveaux investissements n’est pas loin de voir le jour. Il ya quelques semaines, l’usine a obtenu la certification ISO 9001 version 2000 auprès de l’organisme français Label Qualité Système. Le dynamisme et l’esprit d’innovation qui caractérisent cette jeune entreprise lui ont permis de s’imposer comme l’un des fleurons de l’industrie agroalimentaire nationale. Un parcours qui suscite l’admiration Le parcours de Lounis Hamitouche, gérant de la laiterie Soummam, est typique de ces businessmen algériens qui, partis de rien, ont bâti un empireindustriel. Pourtant, rien ne prédisposait ce montagnard du Col d’Ichelladhen, dans la région d’Akbou, à devenir un jour un capitaine d’industrie dont la réussite force le respect et l’admiration. Au lendemain de l’indépendance, il a tout juste 18 ans et il est donc trop tard pour rejoindre l’école qu’il a quittée au déclenchement de la guerre de Libération. Pour vivre, il se tourne alors vers le commerce que sa famille pratique depuis longtemps. C’est là qu’il apprend à fourbir ses premières armes en apprenant à faire les marchés et à négocier. C’est là également qu’il va comprendre qu’on peut réussir sans argent mais avec des idées et, surtout, le respect de la parole donnée. « La parole,dit-il, c’est plus important que le capital «. En 1969, Lounis Hamitouche descend sur Alger avec seulement 50 dinars en poche. A Akbou, il fait du stop et tombe sur quelqu’un qui lui offre le voyage et sa première embauche en tant que chauffeur. Un job qu’il gardera pendant 05 ans. En 1974, en association avec un ami, il achète son premier camion et s’installe à son compte. A force de travailler avec abnégation, la réussite ne tarde pas à montrer le bout de son nez. En 1982, il possède quatre camions. Toujours à la recherche d’une bonne idée, il ne tarde pas à changer de créneau. Il achète à crédit une machine de textile et créé sa première entreprise de textile. En 1988, il possède déjà huit machines. L’affaire semble bien engagée mais en 1993 le marché algérien est inondé de tissu chinois bradé à bas prix. La concurrence est déloyale et Lounis Hamitouche fera partie de ses milliers de petits entrepreneurs qu’une politique d’ouverture brutale du marché algérien poussera à mettre la clé sous le paillasson. Qu’à cela ne tienne, il n’est pas homme à baisser les bras. Son neveu lui souffle l’idée d’investir dans l’agroalimentaire qui connaît alors ses premiers frémissements. Ensemble, ils montent une petite fabrique de yaourt sans rien connaître de ce produit. Ils pensent que la disponibilité d’une eau de montagne de bonne qualité est un gage de réussite mais les camions de livraison de la clientèle peinent aussi bien à monter qu’à descendre de ce col de montagne où ils ont eu l’idée de s’installer. Ils décident donc de délocaliser vers la vallée de la Soummam, à Akbou, précisément. A la DCP, la Direction du contrôle des prix, au lieu de
sévir contre ses investisseurs empêtrés dans un créneau qu’ils ne maîtrisent pas, on décide plutôt de les aider. Lounis Hamitouche le reconnaît aujourd’hui volontiers. On leur apprend à respecter les normes et on leur refile mêmes les bonnes adresses pour acheter le lait et les arômes. La machine longtemps grippée semble enfin vouloir démarrer. En 1993, la laiterie Soummam fait travailler 20 ouvriers et produit 20 000 pots/jour. La demande est de plus en plus forte. Il faut encore investir pour répondre à un marché en pleine croissance. Notre homme demande à la banque un prêt qui le lui accorde sans sourciller : 2O millions de dinars pour acheter d’autres machines et faire des expansions. En 1996, la petite entreprise
emploie 60 ouvriers et produit 120 000 pots/jours. L’économie de marché facilite enfin l’investissement privé et Lounis Hamitouche peut enfin acquérir un terrain à Taharacht, la zone industrielle qui voit naître une multitude de petites entreprises privées. Sur le terrain
nouvellement acquis, la première des choses qu’il réalise est un forage dont l’eau s’avère d’excellente qualité. En l’an 2000, l’usine est montée et la machine est définitivement lancée. « On a commencé alors à souffler. On avait assez d’expérience pour réussir «, dira-t-il. Maîtriser le circuit de distribution « Nos produits sont vendus au même prix sur tout le
territoire national, à Tindouf comme à Alger», dit Lounis Hamitouche. Pour réaliser cette performance dans un pays où les circuits de distribution sont encore à créer, la laiterieSoummam a investi très tôt dans la création de ses propres dépôts à Alger, Oran, Annaba et Constantine.
« Ailleurs, dans les autres wilayas, nous avons choisi des gens qui connaissent le métier pour en faire des distributeurs exclusifs agréés», ajoute-t-il. La société a acheté 400 camions frigorifiques et les a offerts à des jeunes qui ont cinq ans pour les rembourser avant qu’ils ne deviennent leurs propriétés. « J’achète les camions, vous distribuez nos produits «, leur a dit simplement El Hadj qui a également offert des présentoirs aux superettes pour valoriser les produits Soummam. Une armada de camions frigorifiques sillonnent actuellement le pays de long en large pour livrer une gamme variée de produits aux quatre coins du pays. Une petite PME algérienne face à une multinationale C’est en 2001, alors que la laiterie Soummam est en pleine expansion qu’une grosse multinationale vient s’installer en Algérie à quelques centaines de mètres de l’entreprise. Cette concurrence, loin de faire trembler la maison, créé une certaine émulation. « On avait déjà un nom et une réputation et les reins asses solides pour affronter la concurrence mais on avait compris qu’il fallait axer nos efforts sur la production et, surtout, la
qualité», dit Lounis Hamitouche. Pour celui que tout le monde appelle « El hadj» avec beaucoup de respect, la technologie s’achète et tout le reste est affaire de compétence et de sérieux. Il avait très tôt compris un principe cardinal dans les affaires : il faut s’entourer de compétences. Et ces compétences sont disponibles en Algérie. « Je tire chapeau aux moudjahidine et aux chouhada qui ont libéré le pays et aux ingénieurs qui sont en train de le bâtir. Nous avons
des ingénieurs compétents en Algérie et les industriels algériens ont tous les moyens pour améliorer leurs produits et les rendre compétitifs», dit-il. L’usine emploie aujourd’hui 80 ingénieurs et ils sont régulièrement envoyés en France pour se former. De même que des formateurs étrangers viennent souvent sur site pour des périodes de formation et de recyclages au profit des cadres de la société. «On n’est pas des pharmaciens. Le yaourt ne guérit pas»
La laiterie Soummam, qui étonne ses clients avec le lancement à intervalle régulier de nouveautés, semble avoir fait de la qualité son crédo. C’est du moins ce que son patron affirme haut et fort : « Les consommateurs, je les traite comme mes enfants. Je ne leur offre que des
produits de qualité. Quand je fais le marché pour mes enfants, je n’achète que des produits de qualité. Eh bien, je fais de même pour mes clients», dit ce très gros contribuable
qui se dit fier de payer ses impôts pour aider son pays. « Les investisseurs étrangers croyaient avoir affaire aux Algériens de 1950 ou à ceux qui revenaient deFrance avec des cabas de chez Tati plein les bras», dit-il encore. « Ils se sont aperçus qu’ils se sont trompés», ajoute-t-il avec une pointe de malice dans l’oeil. C’est une référence à cette guerre ouverte que se livrent les
producteurs de yaourt par tombolas et campagnes publicitaires interposées. Un terrain sur lequel Soummam est entraînée malgré elle. « Nous sommes obligés de suivre », dit-il. Toutefois, pas aussi loin que le veut la concurrence : « Seulement, nous, on n’est pas des pharmaciens. Le yaourt ne guérit pas», dit-il. Il sait que les Algériens achètent avant tout une marque et son grand mérite est d’avoir fait de son produit une marque de qualité. Lounis Hamitouche a aujourd’hui un superviseur dans chaque wilaya. Il lui offre une voiture neuve,
un téléphone GSM, un ordinateur portable et toutes conditions pour lui rendre compte de l’état du marché. Il n’a pas non plus hésité à débourser 07 milliards de centimes pour un onduleur de 2000 KVA acheté aux USA. En cas de coupure de courant, il alimente l’usine pendant les 05 secondes que met le groupe électrogène pour prendre le relais. En l’absence de ce bidule couteux, c’est toute la production qu’il faut jeter à l’égout lors de ces fréquentes chutes ou coupures de courant qui affectent encore et toujours la vallée de la Soummam. Quand
il achète les matières premières qui entrent dans la composition de ses produits, Lounis Hamitouche fait montre de la même exigence. Il demande toujours ce qu’il y a de mieux à ses fournisseurs. C’est pour cela que son entreprise compte 80 ingénieurs formés dans les universités algériennes. Il a compris depuis longtemps qu’un nom, ça repose sur la qualité et que la qualité, ça n’a pas de prix.
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Partenariat avec Lactalis
Le géant mondial Lactalis, qui produit notamment les fromages et camemberts Président, a choisi Soummam pour sa stratégie de pénétration du marché algérien. « C’est lui qui nous a choisis pour un partenariat», dit Lounis Hamitouche, le gérant de la laiterie Soummam qui précise avoir refusé une rentrée dans le capital de la société. « Une entrée dans le capital de Soummam n’est pas envisageable actuellement, mais si un jour on le décide, vous serez les premiers à être informés», leur dit-il. Les négociations ont commencé en 2005 et un terrain a été acheté pour la construction d’une usine de production de fromage et de beurre. Une usine qui devait employer entre 300 et 400 travailleurs. Seulement, l’accord pour la construction de l’usine n’a pas été donné par l’administration compétente sous prétexte qu’il s’agit d’un terrain à usage agricole. Soummam et Lactalis se tournent alors vers une autre option et rachètent l’usine étatique de Beni Thamou. Seules conditions posées par la CPE lors du rachat : garder l’effectif en place et maintenir la production de lait en sachet. En octobre 2007, les deux partenaires prennent en main l’usine en améliorant la qualité avec la rénovation des machines et l’installation de nouveaux équipements. « Si vous voulez qu’on réussisse», dit Lounis Hamitouche à ses partenaires, « il faut appliquer les mêmes recettes qu’en France et exiger la même qualité et le même goût». L’usine de Beni Thamou a donc commencé à produire le fromage fondu et le camembert sous la marque Président et va bientôt se mettre au lait UHT, au beurre et autres produits frais.

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